Vendredi 8 mars nous célébrerons la journée internationale des droits des Femmes. Pour l’occasion INTÉRIALE donne, durant cette semaine, la parole à des femmes d’exception : partenaires institutionnelles, collaboratrices, sportive de haut niveau, agents de la fonction publique, chacune pleinement engagée dans ses missions, contribuant ainsi à la progression de la part des femmes dans tous les pans de la société.

INTÉRIALE remercie vivement Brigitte Jullien, Inspectrice générale – Vice-Présidente de la formation spécialisée du CSATE – Présidente de la FSPN et Présidente de l’association Femmes de l’Intérieur pour son témoignage.

Brigitte Jullien, vous êtes de l’association Femmes de l’Intérieur, pouvez-vous nous parler de ses missions?

L’association a été créée en 2013 dans le sillage de l’adoption de la loi Sauvadet qui prévoyait pour les administrations publiques une obligation de féminisation des primo-nominations d’encadrement supérieur. Les femmes ne voulaient pas subir la contrainte de la loi, mais plutôt en faire une opportunité de changement, de modernisation. Les pionnières ont vite compris qu’il était nécessaire d’insuffler une dynamique interne permettant la constitution d’un vivier de potentiels féminins afin que le MI soit en mesure de respecter les nouvelles obligations légales. La grande force de l’association réside dans le fait que dès le départ, elle a souhaité rassembler des femmes issues de tous les corps et statuts qui composent le MI. L’association est mixte depuis 2019. 

L’activité de l’association s’est organisée autour de 3 grands axes : 

  • La mise en visibilité des compétences des femmes. L’association s’est investie dans l’accompagnement des femmes pour leur permettre de se projeter dans leur carrière et pour soutenir leurs ambitions professionnelles (mentorat individuel et collectif). L’association offre également son aide à la préparation des concours et des auditions de sélection, ainsi que depuis deux ans des formations à l’art oratoire. Il s’agit de leur permettre d’être plus percutantes dans leur prise de paroles, mais aussi de leur donner de la confiance en elles et de la visibilité. Femmes de l’Intérieur se veut un espace de dialogue, de partage d’expérience et d’entraide.
  • Le deuxième axe de travail est la réflexion sur l’égalité professionnelle au sein du MI. FDI ne s’est pas constituée pour faire valoir des considérations corporatistes mais pour mettre en exergue l’impact positif de la mixité des équipes sur la performance collective et ainsi contribuer à accompagner une évolution : la mise en œuvre d’une véritable politique d’égalité professionnelle.  
  • Le troisième axe, dans le prolongement de ces réflexions sur l’égalité professionnelle, c’est le travail en réseaux. FDI a adhéré à ADMINISTRATION MODERNE qui depuis 1998, est l’association interministérielle des femmes hautes fonctionnaires et rassemble les réseaux féminins publics. Elle porte avec eux un « laboratoire d’idées » force de propositions en matière de modernisation de l’action publique et promouvant l’apport de la mixité dans la décision.  

Quel a été votre parcours, pourquoi avez-vous choisi la sécurité intérieure ?

N’ayant personne de ma famille dans la police nationale, je me suis engagée parce que cela représentait un challenge personnel. J’ai passé le concours de commissaire de police en 1981 après mes études de droit.

Il n’y avait que 5 places pour les femmes au concours de commissaire. On ne rentre pas dans la police nationale comme on rentre dans une autre administration, on ne devient pas « fonctionnaire », on devient policier avec des valeurs que l’on partage dès le début de sa carrière qui sont le dévouement, le courage et l’intégrité. Il faut avoir le sens du service public bien ancré en soi et savoir que l’on fera fréquemment des concessions pour son métier.

Je n’avais jamais travaillé à Paris, et mon premier poste a été en région parisienne à Montreuil-sous-Bois en Seine-Saint-Denis. Département particulièrement attachant qui nous apprend la vie, on n’en sort pas indemne. J’ai occupé de nombreux postes territoriaux (64, 38, 33) et j’ai également occupé des postes en administration centrale.

On peut dire que j’ai une vision presque complète de la police nationale. A 60 ans, j’ai été nommée directrice cheffe de l’IGPN, et je termine ma carrière aujourd’hui par la création d’un service qui apportera beaucoup aux chefs de service : l’évaluation à 360° des commissaires de police, issue de la réforme de la fonction publique. Je mets au service des commissaires de police mon expérience et ma vision de ce que doit être un commissaire de police. 

Selon vous en quoi les femmes sont un atout à la sécurité intérieure ? Quel a été le vôtre pour vous mener jusqu’ici ?

Les femmes représentent la moitié de l’humanité et on ne peut pas se priver de leurs compétences et de leur intelligence. La diversité des personnalités et des genres créent de la richesse.  

Les femmes ne sont pas simplement un atout pour la sécurité intérieure, elles le sont dans toutes les administrations. 

Dire que les femmes ont apporté quelque chose en « plus » risque de nous faire retomber dans les clichés des années 80 où on disait que les femmes sont plus « douces » plus « humaines » et que cela permettait aux services d’appréhender les problèmes différemment. 

Mais il est prouvé que la présence de femmes et notamment à la tête des services est bon pour les « affaires ». Les entreprises qui promeuvent la place des femmes à leur tête enregistrent de meilleures performances en matière de croissance, de rendement de l’actif et de rentabilité. La mixité permet de prendre des décisions plus judicieuses et de mieux résister en temps de crise.  

La présence des femmes dans l’administration et notamment dans la police nationale a obligé nos dirigeants à adapter les services et à prendre en compte des paramètres inconnus avant leur arrivée ; ce qui a permis également d’en faire bénéficier les hommes. 

Mon atout a été d’être toujours moi-même, de n’avoir jamais renié ce que j’étais. J’ai de l’ambition, mais je ne suis pas une ambitieuse. Ce n’est pas une volonté de puissance qui m’anime, mais plutôt une volonté de réalisation de soi. J’ai toujours su ce que je ne souhaitais pas être. J’ai pris ma vie en main de manière optimiste et volontariste et j’ai toujours avancé quoi qu’il me soit arrivé. J’ai subi de nombreux revers, mais cela ne m’a jamais arrêtée. 

En tant que femme, avez-vous constaté des évolutions au fil de votre carrière ?

Dans la police nationale, la hiérarchie est très présente, et lorsqu’on est commissaire de police on ne sent la « discrimination » que quand on arrive sur des postes importants. A ce moment-là on vous regarde comme une « concurrente » qui est arrivée à ce poste parce que femme.  

Sur le terrain, en Seine-Saint-Denis, la nuit avec les BAC ou à Grenoble pendant les émeutes de la Villeneuve avec les compagnies d’intervention ou les CRS, je n’ai jamais eu une quelconque mise en cause de mes compétences par les unités parce que j’étais une femme.  

La police a bien accueilli les femmes de manière générale. Toutefois, certaines unités sont toujours rétives à travailler avec de « faibles femmes » et la retenue masculine existe toujours. « La police un métier d’homme » est encore présent dans l’esprit de certains.  

L’égalité professionnelle sera atteinte le jour où on dira que la nomination d’une femme à un poste à responsabilité est uniquement due à ses compétences, et que c’est pour cette seule raison qu’elle a été préférée à un homme aussi compétent. 

Quel serait le message que vous aimeriez faire passer aux petites filles qui hésiteraient à choisir la voie de la police ?

Tout d’abord qu’il faut qu’elles soient conscientes que c’est un engagement de tous les instants, et que le métier vous habite en permanence 24/24. La police nationale est comme la gendarmerie, le plus beau métier au service de la population. La joie des victimes que l’on aide n’a pas de prix. Il faut se renseigner, faire des stages. Les commissariats ouvrent leurs portes aux jeunes à partir de la 3°. On ne peut pas se tromper pour entrer dans la police nationale. On peut y trouver une solidarité qui existe dans les métiers difficiles et qui permet de traverser toutes les épreuves. Les femmes ont aujourd’hui toute leur place, on a de beaux exemples de réussites féminines. Il ne faut pas hésiter.